Le RBMK de Tchernobyl était un RNR au sodium, ce qui explique la violence des explosions et la durée du feu

Dans “The Decay of Communism: Managing Spent Nuclear Fuel in the Soviet Union, 1937‐1991” de Per Högselius (article scientifique publié https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2202/1944-4079.1040 ) on lit que “A “tandem” system [pour la gestion des déchets] was partly realized in this context, in which spent fuel from VVER nuclear power plants, submarine reactors, and research installations was reprocessed and used for the production of RBMK (Chernobyl‐type) fuel. […] . RBMK spent fuel was not reprocessed.”

il est totalement incompréhensible que l’on recycle du combustible usé d’un réacteur dans un autre réacteur, si le second réacteur n’est pas un réacteur à neutrons rapides capable d’extraire de l’énergie de l’U238 et de transmuter d’autres déchets ! (le propre des RNR est bien d’être en “bout de chaine” du combustible, même si évidemment le plutonium est transféré pour usages militaires et non fissionné en réacteur)

Par ailleurs les sous-marins d’attaque russe utilisaient souvent des réacteurs à neutrons rapides, car ils développent la même puissance énergétique avec un coeur plus compact (vu qu’il n’y a pas besoin de ralentir les neutrons avec de l’eau, des barres de modération…), ce qui permet des réacteurs plus petits et donc des sous marins plus discrets ou plus rapides (et permet accessoirement de produire plus efficacement des sources neutroniques puissantes en plaçant des ampoules de matériaux stables dans les réacteurs, ces matériaux absorbent les neutrons, deviennent hautement radioactifs et peuvent être utilisés pour produire des neutrons en combinaison avec du béryllium, de l’eau lourde…). Les sous marins soviétiques de type “Alfa” emportaient officiellement des RNR refroidis au plomb-bismuth. Dans le reportage de Jean-Michel Carré pour Thalassa en 2008 sur le sous marin Koursk, on apprend que le réacteur du sous marin Koursk était “du même type que celui de Tchernobyl” https://youtu.be/Oe-hCKw1FHY?t=52m18s ce qui sous entend également que les RBMK pourraient être des RNR.

Notons aussi que le scientifique Dyatlov, vice ingénieur en chef de Tchernobyl (c’est lui qui supervisait l’expérience le jour de la catastrophe) , a travaillé auparavant sur… l’installation de réacteurs nucléaires dans des sous-marins, à Komsomolsk-na-Amure jusqu’en 1973.
La logique est que le scientifique soit spécialisé sur les neutrons rapides et qu’il aille d’un site de production de RNR à la gestion d’un RNR !

Le fameux coefficient de vide positif de Tchernobyl ne peut s’expliquer que par l’utilisation de sodium dans un réacteur à neutrons rapides. Les fins sont militaires (d’où le lien avec ce site) : production non seulement de plutonium 239 très efficace et discrète (déchargement du combustible sans arrêt du réacteur, visible par satellite) mais aussi et surtout de sodium-24, source neutronique remarquablement performante, et incendiaire. Mais la présence de sodium explique aussi la destruction intégrale du réacteur et donc l’ampleur des retombées, la violence du feu, et sa durée.

Le feu de Tchernobyl a été particulièrement long, difficile à éteindre, l’ensemble du réacteur a été vaporisé (les auteurs de l’article notent l’absence de réacteur dans sa cavité !) et l’ “impossibilité de localiser une proportion importante du combustible” notée par les auteurs correspond aussi absolument à une réaction à neutrons rapides volatilisant plus de matières fissiles sur une période très courte, combinée à l’explosivité du sodium.

Les données sur les ratios de produits de fission permettent d’estimer si l’on a affaire à un réacteur à neutrons lents ou neutrons rapides (RNR, réacteur à neutrons rapides). Les neutrons rapides confirment de toute évidence l’utilisation de sodium.

Le sodium minéralisé sur la lave signifie bien qu’il y a eu de fortes pressions et chaleurs, la pression et la chaleur accélérant toute réaction chimique, et la minéralisation est un processus extrêmement lent, qui ne se déroule normalement qu’en profondeur, sous Terre. Une explosion de sodium en comprimerait naturellement une partie contre le mélange en fusion d’uranium, de plutonium et de produits de fission, les composés minéraux à base de sodium que l’on retrouve sur la lave sont donc une excellente indication (à ce sujet : https://www.change.org/p/say-no-to-depleted-uranium-weapons-non-aux-armes-%C3%A0-uranium-appauvri/u/22407223 ).

sodium chernobyl

Mais on peut aussi regarder la distribution des produits de fission. Certaines données de PF de “l’intervalle” comme le 115Cd ne correspondent pas à des rendements à neutrons lents

fission-product-yield-n
Un RNR implique des neutrons “Fast” sur le graphe de droite et donc un plus grand rendement entre 110 et 130. Et en plus, ci-dessous, on utilise la fission d’U238 pour référence (seule pour laquelle j’ai trouvé un rapport Cd115/Ru106), avec donc des neutrons >2MeV, ce qui implique que le taux de référence pour Cd115 est plus important que dans un RNR.

Par ex en Finlande p. 31 32 du PDF, http://www.iaea.org/inis/collection/nclcollectionstore/_public/19/001/19001530.pdf
on a un max de 400 000 uBq/m3 de Cd115, à comparer au Ru106 (630 000 uBq/m3 pour le même échantillon, le même jour), qui a l’air d’être un fameux voyageur puisque c’est lui qui a attiré l’attention après Kalinovka.

400 000 uBq de Cd115 = 21,19 picogrammes
630 000 uBq de Ru106 = 5,1 nanogrammes
=le Cd115 représente 0,41% du Ru106

Si on prend les données pour la fission à neutrons rapides d’U238, on attend 1,5 % (0.046/3) page 6 de ce document http://www.iaea.org/inis/collection/NCLCollectionStore/_Public/06/197/6197999.pdf
C’est le seul document où je trouve des données sur des rendements à neutrons rapides pour 115Cd, mais que l’on prenne U238 ou U235 ou Pu239 en principe les variations sont modestes, la tendance est identique.

Donc pour le coup on est juste à 30% du ratio des neutrons super rapides nécessaires pour la fission d’U238 (qui nécessite des neutrons à plus de 2 MeV), c’est très très significatif pour des neutrons à 500 KeV d’un RNR (car en principe plus les neutrons sont lents plus le ratio Cd115/Ru106 sera faible, or les données attendues sont fixées sur des neutrons plus rapides que ceux d’un RNR).
Notons que la demi vie du cadmium 115 n’est que de 2,3 jours, or l’échantillon est pris le soir du 28 avril, près de 3 jours après la double explosion nucléaire du réacteur, le taux de Cd115 a donc déjà eu le temps de se diviser par plus de 2 alors que le taux de Ru106 est stable (demi vie de 1,05 année).

On peut facilement affirmer qu’on a peu ou prou le taux attendu pour un RNR, lesquels sont quasi systématiquement refroidis au sodium. Cela veut bien dire une nouvelle fois que le RBMK Lénine de Tchernobyl était refroidi au sodium et non à l’eau !
Les données sur les produits de fission “intermédiaires”, ceux dont le rendement change beaucoup entre neutrons lents et neutrons rapides, sont rares. Mais le Cd115 est intéressant car il est pile au centre de la zone où les variations sont importantes. De plus les données viennent de Finlande et sont donc peut-être moins susceptibles de malhonnêteté qu’ailleurs en Europe (la Finlande est en dehors de l’OTAN, et était parfaitement neutre – entre les deux blocs – à l’époque de ce rapport de l’agence finlandaise pour la radioactivité et la sécurité nucléaire, on constate aussi dans le cas de Kalinovka une relative transparence en Finlande, Estonie et Suisse VS. la censure des balises dans le reste de l’Europe).

Le “paper” de Filippov, Urutskoev, Lochak, Rukhadze (Condensed Matter Nuclear Science, Ed. J. P. Biberian, World Scientific Publishing Co., Singapore, 2006. p. 838–853) note un détail qui confirme encore plus que le RBMK de Tchernobyl était un réacteur à neutrons rapides comme feu Superphénix et le futur ASTRID. Il s’étonne en effet de la “divergence” (le processus de réaction en chaîne incontrôlée) extrêmement rapide pour un réacteur qui avait été ramené à 6% de sa puissance lors d’une expérience. Le modèle pour un réacteur à eau implique selon eux une divergence beaucoup plus lente.
Mais tout le monde comprend qu’avec un réacteur à neutrons RAPIDES la réaction en chaîne est beaucoup plus rapide ! Tout le monde sait que les RNR sont particulièrement difficiles à piloter pour cette raison, les scientifiques ont un temps de réaction “particulièrement court” en cas d’instabilité du coeur. Ceci ne peut que confirmer (après d’autres preuves, physiques et chimiques, listées dans l’article en lien) l’utilisation de sodium, hautement inflammable, qui est là pour permettre la production de sodium-24, source neutronique hautement puissante pour les bombes atomiques de toutes tailles (des engins mégatonniques aux missiles antichar et même petits obus de canons de 20mm qui n’utilisent que quelques dizièmes de grammes d’uranium hautement enrichi). C’est une source mille fois plus puissante que le polonium-210 utilisé avec du béryllium (source traditionnelle utilisées aux débuts de l’arme nucléaire). Le sodium permet par ailleurs dans un réacteur à neutrons rapides l’extraction du combustible usagé sans arrêt du réacteur (l’expérience menée par les scientifiques de Tchernobyl qui a causé l’explosion, c’est ça) et donc la récupération discrète du plutonium (hors de portée des satellites qui surveillent l’arrêt des signaux infrarouges liés aux émissions de chaleur) grâce au fameux coefficient de vide positif qui rend ces réacteurs si dangereux – j’insiste sur le fait que le coefficient de vide positif de Tchernobyl est un fait largement connu et le sodium est de toute façon la seule explication technique de ce coefficient de vide positif.

 

Lire aussi mes explications détaillées.

En d’autres mots, on met la sécurité de toutes les populations qui habitent autour de ces BOMBES (le mot n’est pas de trop, Tchernobyl en est la preuve ultime) pour… fabriquer d’autres bombes. Le tritium est pourtant un substitut qui ne nécessite pas de parsemer le territoire de bombes à retardement sous la forme de RNR au sodium, mais Astrid sera la prochaine. Et la DGA assume, puisqu’elle a baptisé l’un de ses programmes d’armement innovants “ASTRID” ! (se référer également à l’URL des explications détaillées)

L’explosion de Tchernobyl était bien nucléaire (supercriticité déclenchée notamment par le retrait de barres de modérateur) MAIS elle a été largement amplifiée par le fait que la cuve était remplie de sodium. L’explosion nucléaire l’a mis à l’air libre, il a réagi violemment (ce qui explique probablement aussi le “flash bleu”, lié au mélange sodium + actinides dans l’incendie, très très hautes températures de combustion, supérieures à la surface du Soleil – plus de 15 000°C sans doute, ce qui est plus élevé que ce que l’on rencontre avec les bombes conventionnelles renforcées par ajout d’uranium appauvri pyrophorique). D’où l’importance des retombées.